Jusqu’ici, la rémunération sur X passait par un modèle assez standard. Basé sur la publicité, le réseau social comptait le nombre d’impressions (affichages) et les interactions avec les contenus publicitaires.

Seulement voilà, la fuite des annonceurs depuis le rachat de Twitter par Elon Musk affecte durement les finances de l’entreprise. Comme nous le faisions remarquer dans un article récent sur la valeur de X (qui aurait perdu plus de 75 % depuis le rachat), le flou du réseau social sur sa modération a entrainé le départ ou la réduction des investissements publicitaires. On se souvient qu’Elon Musk avait attaqué frontalement Apple sur la question.

Se posait donc la question d’un financement à plus long terme pour la plateforme. L’une des solutions trouvées est de modifier la manière dont les créateurs sont rémunérés face à un effondrement de la société et une santé financière toute relative.

De la publicité aux comptes Premium

Le 8 novembre, X mettra donc fin à la rémunération des créateurs par la publicité. La monétisation va se faire sur l’engagement des comptes Premium, et uniquement ces comptes.

Par engagement, on signifie les actions de type Aimer, Reposter, Citer et Répondre. Pour que le système fonctionne, il faut donc que des comptes Premium interagissent avec d’autres comptes Premium. Avec ce système, X espère bien sûr motiver les utilisateurs à payer au moins 8,40 euros par mois (en promotion à 5,04 euros jusqu’au 16 octobre sur la première année) pour du Premium ou 16,80 euros (promotion également à 10,08 euros) pour du Premium+ (qui supprime notamment les publicités).

Cela signifie également que les créateurs n’auront plus d’intérêt particulier à publier des publicités. L’engagement comptabilisé devra se faire sur les publications ordinaires. Plus elles feront réagir, plus le détenteur du compte Premium gagnera d’argent.

Il s’agit autant d’une évolution importante dans la stratégie de X qu’une reconnaissance de la part plus faible que joue la publicité aujourd’hui dans les finances de l’entreprise. La croissance des revenus va davantage se faire sur les abonnements Premium, qui constitue toujours plus un écosystème à part.

Quel impact ?

On peut se douter assez facilement de plusieurs effets liés à l’annonce. Le plus évident réside dans la manière dont cette méthode de rémunération va modifier ce que l’on voit sur X.

Les comptes Premium (et encore plus les Premium+) bénéficient d’une priorité sur l’affichage de leurs contenus. Dans les algorithmes de recommandation de X, les comptes munis d’une coche bleue sont ainsi plus souvent mis en avant. Lorsque l’on clique sur une telle publication, il n’est pas rare de voir de nombreuses réponses d’autres comptes Premium, n’ayant parfois rien à voir avec le sujet d’origine.

Il y a donc à craindre que l’engouement généré par une potentielle rémunération n’augmente le nombre de ces publications dans les recommandations.

La course à la réaction

En outre, puisque le gain financier sera proportionnel au nombre d’interactions, il est probable que le nouveau système encourage une partie des abonnés à se lancer dans des messages plus provocateurs, dans l’idée toujours de faire réagir. Des tweets « clickbait » qui attireront plus facilement les réponses et partages, attirant d’autant plus vite l’œil des algorithmes et donc le partage de ces publications dans les recommandations. On peut d’ailleurs voir, dans les réponses au message d’annonce sur X, de nombreux comptes Premium appeler au « follow back » en préparation à cette nouvelle méthode de comptage.

Si tous les moyens semblaient déjà bons pour créer de la visibilité, le phénomène va probablement s’intensifier avec ce changement. On peut également se poser la question, comme le fait Mashable, de l’arrivée potentielle d’autres formes de contenus rémunérateurs, dont la pornographie et la représentation de la violence, puisque la publicité ne compte plus.

Nul doute que la situation sera observée de près, notamment en Europe, où X fait déjà l’objet d’une plainte pour violation du DSA. Plusieurs points étaient épinglés, dont le manque de transparence sur la publicité, une coche bleue induisant en erreur et le manque d’action sur la prolifération des fake news.